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LE BLOG DE PASCAL DEBRE
18 novembre 2015

DE L’INCONTOURNABILITE DE L’ALINEA 2 DE L’ARTICLE 70 DE LA CONSTITUTION

Chaque fois que les partenaires extérieurs s’expriment sur le processus électoral en RDC, ils évoquent la nécessité de la publication d’un calendrier électoral « réaliste » ou d’un budget « réaliste ». Ce discours est rigueur depuis que la CENI avait publié un calendrier électoral global en réponse à une demande pressante de l’opposition, d’une frange de la société civile et des partenaires extérieurs.

Qu’entend-on donc par « réaliste » et qu’est-ce qui se cache derrière ? pas sorcier comme question, puisqu’on sait qu’en parlant de budget réaliste, on voit des élections « crédibles », lisez des élections législatives et présidentielle. L’envoyée spéciale du Gouvernement britannique dans la région des Grands lacs, Danae Dholakia, l’a répété mardi 17 novembre au cours d’une conférence de presse à Kinshasa.

Elle y est même allée d’une pointe de chantage en laissant entendre que de ces élections – présidentielle et législatives – et du respect des délais constitutionnelles pour leur tenue dépend le développement, à long terme, de la RDC.

 

Quand on fait tout dire à la Constitution pour des intérêts particuliers

On aura tout vu et tout entendu dans cette affaire des élections en RDC, mais une chose reste centrale : le dévoiement de la Constitution congolaise à laquelle ont fait tout dire pour soutenir, en conséquence, une thèse également dévoyée. La communauté internationale, plus précisément le Conseil de Sécurité et la CIRGL, ont commis deux erreurs de départ dans la lecture de la Constitution, deux erreurs à la base de la confusion actuelle.

La première erreur vient du fait qu’elles soutiennent que seules les élections législatives et présidentielle sont prévues dans la Constitution. La seconde est liée aux délais électoraux que l’on attribue à cette même Constitution.

Les Congolais savent très bien que tous les niveaux des élections sont prévus dans cette même Constitution qui, par ailleurs, ne prévoit pas de délai pour la tenue de quelconques élections, mais tout simplement la durée d’un mandat. S’il faut parler de réalisme, il faut alors évoquer la Constitution qui l’est effective au sujet de cette durée de mandat.

En effet, le second alinéa de l’article 70 de la Constitution prévoit qu’ »à la fin de son mandat e Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ». Or qui dit installation d’un Président élu, dit élection. Il peut donc se faire que, par des impondérables objectifs, ces élections ne se tiennent pas dans les délais pouvant permettre de respecter la durée d’un mandat fixé à cinq ans suivant le premier alinéa du même article 70.

Le législateur l’a ainsi voulu en offrant au pays une loi fondamentale souple et réaliste.

Pour le reste, l’on assiste qu’à une croisade pour la conquête du pouvoir coûte que coûte. Les pressions conjuguées de l’Occident et d’une certaine opposition congolaise ne visent que cela. Que personne ne viennent prétendre défendre de quelconques valeurs, sauf à être renvoyé aux cas du Burundi, du Congo-Brazzaville et, très récemment, du Rwanda où les Constitutions, pourtant verrouillées sur les aspects du pouvoir, ont été modifiées au vu et au su de tout le monde sans que cette même communauté internationale ne s’émeuve outre mesure.

Ce comportement à géométrie variable est symptomatique de la subjectivité avec laquelle certaines questions sont gérées. Une subjectivité due à la suprématie de la défense des intérêts sur quelque valeur que ce soit que l’on avance comme faire-valoir pour cacher les vrais agendas.

 

Le rapport de l’OIF qui renvoie les Congolais aux études

Pour revenir au cas particulier de la RDC, l’on peut constater qu’au-delà de la surenchère des politiciens sur le processus électoral, le récent rapport de l’OIF sur l’audit du fichier électoral pose de profonds préalables à la tenue, en RDC, de vraies élections, des élections dignes de ce nom et répondant aux normes internationales requises.

Dans leurs conclusions, en effet, les experts de l’OIF constatent ce qui suit :

-      La CENI dispose, à ce jour, d’un fichier électoral stabilisé, mais qui nécessite une révision du corps électoral pour expurger les décédés et intégrer les nouveaux majeurs, les Congolais de la diaspora ainsi que les retournés et les refoulés des pays limitrophes.

-      La base de travail issue de la stabilisation de la cartographie administrative et de la fiabilisation du fichier électoral ne permet pas, en l’état, de garantir que les listes électorales soient suffisamment exclusives et représentatives du corps électoral pour les élections à venir.

-      L’absence d’un état civil performant ou d’un recensement administratif à vocation état civil de la population, et de la délivrance systématique de documents d’identité valant preuve de la nationalité congolaise constituent des hypothèques sur les capacités d’opérationnalisation du cadre juridique lié à l’inscription des électeurs pour constituer un bon fichier électoral.

-      L’absence de révision du fichier électoral depuis 2011 ne permet pas de garantir tant le droit à un suffrage universel et égal tel que défini par les obligations internationales et régionales afférentes. Elle ne permet pas, non plus, de mettre en place des mesures efficaces pour que toutes les personnes qui remplissent les conditions pour être électeur aient la possibilité d’exercer ce droit. De ce fait, et considérant l’hypothèque due à la difficulté de radiation des électeurs décédés, les opérations de fiabilisation du fichier électoral n’apportent aucune garantie d’un fichier électoral épuré et conforme aux normes en vigueur.

-      Le cadre juridique et la réglementation en vigueur ne permettent pas de s’assurer, de manière effective, de la nationalité de tous les électeurs inscrits ou à inscrire.

-      L’absence de révision du fichier électoral induit automatiquement une art d’électeurs non éligibles présents dans la base de données, dont des électeurs décédés depuis 2011. De même, l’absence d’un système de contrôle ne permet pas de garantir l’exclusion des militaires et policiers, de mineurs, mais aussi des étrangers.

Pour résoudre ces problèmes, l’OIF recommande :

  1. 1.   Aux autorités nationales et législatives de

-      conduire une réforme de l’état civil ainsi qu’un recensement administratif à vocation état civil de la population

-      préciser les pièces valant preuve de nationalité et les justificatifs applicables pour l’inscription des électeurs en attendant l’aboutissement de la mise en place d’un état civil performant

-      Encadrer les mécanismes opérationnels de radiation des électeurs décédés et les mécanismes d’inscription des jeunes majeurs (nous ajoutons les retournés et/ou refoulés des pays voisins).

-      Préciser le cade juridique relatif à l’inscription sur les listes électorales et à la tenue du fichier y afférent, ainsi que les conditions d’inscription des Congolais vivant à l’étranger.

-      Définir et faciliter les mécanismes permettant une exclusion des personnes non éligibles et, en particulier, des policiers et militaires, au travers la transmission des données afférentes pour radiation par la CENI

  1. 2.   A la CENI de

-      Envisager des réformes pour produire un fichier électoral inclusif intégrant les jeunes majeurs, soit en procédant par une inscription par anticipation, soit par une ouverture exceptionnelle des pour les générations nées entre 1993 et 1997

-      Evaluer le calendrier électoral des échéances de convocation du corps électoral pour permettre une mise à niveau concomitante du fichier valable pour plusieurs élections rapprochées

-      Intégrer, dans les calendriers à venir, les délais nécessaires à l’épuration informatique des doublons et autres anomalies en aval des opérations de révision ou de modification des listes électorales

-      Limiter le recours à la carte d’électeur comme valant preuve d’identité et d’inscription automatique

-      Analyser et proposer des actions spécifiques permettant de justifier l’évolution du corps électoral dans certaines provinces

 

L’incontournabilité de l’alinéa 2 de l’article 70 de la Constitution

Au regard de ces observations et ces recommandations, et si l’on considère que le débat actuel sur le processus électoral consiste à assurer à la RDC des élections dignes de ce nom et nom à exprimer des appréhensions maladives sur la lutte contre la tricherie, chacun espérant que c’est en prévenant celle-ci qu’il sera élu, au regard donc de ces observations et recommandations, on peut dire, en toute objectivité que les élections dépendent d’un recensement de la population ainsi que de la maîtrise et la fiabilisation du fichier électoral.

Si donc l’on doit faire droit à ces exigences, alors, en toute objectivité, aucune élection ne devrait se tenir dans les cinq années à venir. Ceci constitue un impondérable tout à fait objectif que les Congolais évoquent et invoquent à longueur des journées et qui peut conduire le pays à l’application de l’alinéa 2 de l’article 70 de la Constitution. C’est, en définitive, que se situe le réalisme et non dans un calendrier électoral ou un budget électoral qui sont tributaires de ce qui précède.

Pascal Debré Mpoko

 

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