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LE BLOG DE PASCAL DEBRE
7 janvier 2016

DELAIS CONSTITUTIONNELS, PARLONS-EN

Contrairement à ce que l’agitation actuelle laisse croire autour du respect de la Constitution en ce qui concerne le mandat présidentiel, la loi fondamentale prévoit des soupapes qui la préservent de toute violation. Et les agités de tous bords le proclament sans le savoir en évoquant et invoquant le « délai » constitutionnel.

Le débat politique actuel est focalisé sur la conquête du pouvoir, officiellement par la voie des urnes. C’est pour cela que le discours politique d’une frange de la classe politique et de la société se focalise, quant à lui, sur la question de délais constitutionnels avec une sonnette d’alarme sur l’exigence du respect de la Constitution sous peine de tomber sous le coup de sa violation.

« Délais constitutionnels ». Le terme est vraiment à la mode et son entendement n’est plus à expliquer ni à démontrer. Nous disons bien entendement, car cette formule contient une connotation bien particulière dans l’imaginaire de ses revendicateurs ? Il nous a donc paru utile de fixer les idées sur le terme principal de « délais » et de prospecter son implication juridique en général et par rapport avec le Constitution en particulier.

 

Qu’est-ce qu’un « délai »

Le dictionnaire Larousse donne plusieurs définitions de ce terme, mais nous en retenons les deux principales qui cadrent avec son utilisation dans le débat politico juridique actuel en RDC. La première définition de ce mot « délais » ca présente comme un « temps laissé pour faire quelque chose, pour l’obtenir ».

La seconde définition ce présente comme une « prolongation d’un temps accordé pour l’accomplissement de quelque chose ».

Cette seconde définition adjoint deux synonymes  au mot « délais ». Il s’agit de « sursis » et « répit ».

Les éléments théoriques étant ainsi fixés, qu’en est-il de leur implication juridique avec la Constitution congolaise ? Pour répondre à cette question, il faut circonscrire d’abord le cadre de l’exploitation de ce terme « délais » par rapport à la Constitution. Son usage se fait, en effet, autour de l’article 70, alinéa 1 qui stipule que « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois ».

Cet alinéa peut renvoyer à la première définition qui fixe la durée du mandat présidentiel à 5 ans. Ces 5 ans peuvent ainsi être considérés comme « le temps laissé pour faire quelque chose ». Se voulant plus formalistes, les chantres des « délais constitutionnels » extrapolent jusqu’à indiquer des dates d’échéance de ce délais qui est situé à la date correspondante de la tenue de l’élection présidentielle de 2011, soit le 28 novembre 2016.

Il est donc supposé, selon ce formalisme, qu’au-delà du 28 novembre 2016, le Président en fonction tomberait sous le coup de l’inconstitutionnalité ou, pour utiliser le terme à la mode, il violerait la Constitution. C’est pourquoi il est déjà voué aux gémonies sur pied du premier alinéa de l’article 64 de cette même Constitution qui stipule que « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ».

 

La jurisprudence qui clarifie le droit

Pour autant qu’une Constitution se veuille comme un ensemble de principes destinés à gérer le fonctionnement de la cité, l’on peut s’interroger, suivant ce formalisme qui confine à la rigidité juridique, sur la gravité qu’un tel verrouillage exposerait toute société donc le fonctionnement est dynamique de nature. En effet, même involontairement, des impondérables sont susceptibles de se produire au cours du « temps laissé pour faire quelque chose ».

La RDC connaît une jurisprudence avec cette même Constitution et au sujet de la même question des délais en rapport avec le découpage territorial. Cet exercice était prévu pour s’accomplir, selon la première version de la Constitution, dans un délai de 36 mois (3 ans) à dater de la promulgation de la loi fondamentale. A terme, il est apparu tellement d’écueils que ce délai s’est avéré irréaliste, ce qui avait entrainé une modification de la Constitution pour laisser la période ouverte.

Devrait-il donc en être de même pour ce qui concerne le délai du mandat présidentiel en fonction des exigences des formalistes de la classe politique et de la société civile ? En tous cas, cette idée fait déjà lever les boucliers et certains acteurs politiques et de la société civile en sont arrivés jusqu’à aller apprendre des techniques qui les aideraient à appliquer efficacement le premier alinéa de l’article 64 de la Constitution.

Or la RDC ou, plus particulièrement, son processus électoral, est aujourd’hui grippée. Des écueils sont apparus et nécessitent aujourd’hui des ajustements si les Congolais veulent aller vers des élections dignes de ce nom et dans la paix pour trancher avec les agitations que l’on a déplorées en 2006 et 2011. Si le dialogue tant recommandé par le Chef de l’Etat et soutenu par les Congolais devrait permettre de surmonter les écueils, comment faire alors pour éviter le pogrom qui se profile du pouvoir sous le prétexte de la défense de la Constitution contre toute violation ?

 

Le « sursis » pour clore le débat

La réponse à cette question nous renvoie à la seconde définition du terme « délais » qui évoque le principe d’un « sursis » ou d’un temps supplémentaire pour faire quelque chose. En effet, tout texte juridique digne de ce nom, est censé être flexible, non pas en ouvrant des brèches pour des modifications intempestives, mais en prévoyant d’éviter, d’une part, que la société qu’il est censé faire fonctionner harmonieusement soit bloquée et d’autre part, qu’il (le texte juridique) s’avère inadapté, donc obsolète, suivant l’évolution dynamique de ladite société.

Il semble que le constituant, qu’est le peuple congolais, en avait conscience et avait prévu des aménagements conséquents pour la matière qui nous occupe. En effet, l’alinéa 2 de l’article 70 de la Constitution est une illustration concordante de la deuxième définition du mot « délai » qui renvoie au « sursis » pour prévoir les conditions de préservation de la Constitution contre les corrosions du temps et de l’évolution de la société.

Cet alinéa stipule, en effet, qu’« à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».

Cette incise, à laquelle on fait malheureusement peu attention, a l’avantage de clarifier un certain nombre de choses qui peuvent conduire au dégel politique. En effet, cet alinéa rappelle :

  1. Qu’à l’échéance des 5 ans prévus, le Président est fin mandat.
  2. Qu’à la fin de ce mandat, il est toujours Président de la République
  3. Qu’en conséquence, il reste en fonction « jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».

Cette incise de l’article 64 de la Constitution a donc une valeur sociologique admirable en ce qu’il prévient des désagréments qui peuvent survenir autour de cette matière plutôt sensible sous les tropiques. Une sorte de soupape de sécurité glissée afin de parer à toute éventualité, surtout lorsqu’on se rappelle, d’une part, le contexte dans lequel était rédigée cette Constitution et, d’autre part, les rapports qui régnaient entre les protagonistes de l’époque. Chacun cherchait, en effet, à piéger l’autre et à aménager les moyens pouvant le conduire au sommet de l’Etat.

En fin de compte, on devrait logiquement conclure que, dans le fond, rien n’indique, du moins à ce stade, que la Constitution est susceptible de subir une quelconque violation autour du mandat du Chef de l’Etat. Sauf si les auteurs de ce débat qui, finalement, n’en est pas un, aie des agendas cachés, ce qui, en RDC, n’est plus à démontrer…

Pascal Debré Mpoko

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